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Méthode d’analyse de la saturation visuelle liée à l’implantation de projets éoliens

L’encerclement éolien est devenu ces dernières années un phénomène majeur à étudier avec précision et objectivité. Les outils habituellement attendus par les Services Instructeurs, comme les photomontages 360° ou les diagrammes d’encerclement, ne permettent pas d’avoir une vision globale à l’échelle du territoire. Depuis 2016 Geophom produit des cartes d’encerclement pour l’analyse de la saturation visuelle par encerclement.

Geophom a développé une série d’outils basés sur le logiciel de cartographie libre GRASS Gis. Et notamment pour calculer des cartes raster d’encerclement à l’échelle du territoire.

Principe
Le principe retenu, pour qualifier l’encerclement, est évidemment d’analyser l’organisation spatiale des éoliennes présentes sur le territoire, vue depuis chaque cellule de la carte [1], puis de calculer une caractéristique particulière de l’encerclement, comme la somme des champs de perception [2] ou la plus grande respiration [3]. Le calcul est généralement réalisé avec un pas de 25 mètres pour un rayon de 40 kilomètres (soit plus de 10 millions de points analysés).

Observation réelle
Si vous balayez visuellement l’horizon sur 360°, les éoliennes se présentent au regard par amas, plus ou moins denses et plus ou moins éloignés, laissant des espaces ouverts exister entre eux. Notre méthode vise à reproduire l’expérience visuelle réelle : mesurer les champs de perceptions des éoliennes qui alternent avec les espaces de respiration, plutôt que comptabiliser des espaces occupés [4] et inoccupés [5].

Une approche perceptive
Le champ de perception est le champ visuel horizontal dans lequel chaque éolienne est, et reste, perceptible. L’amplitude de ce champ est intimement lié à la prégnance de l’éolienne en question : une éolienne proche reste perceptible plus "longtemps" dans le champ visuel si on dévie son regard, qu’une éolienne située à 10 kilomètres. Ce phénomène est déterminé par notre système visuel [6] qui concentre son pourvoir discriminant le plus fort dans la zone fovéale. Cette zone très étroite ne couvre que de quelques degrés. Ainsi, les éoliennes lointaines deviennent imperceptibles dès lors qu’on dévie son regard de quelques degrés. Elles participent moins au phénomène d’encerclement.
Nous avons estimé, sur la base d’observations sur le terrain, que le champ de perception couvre environ 15 fois la hauteur apparente des éoliennes. Cette relation n’est pas strictement linéaire et doit être bornée. Par exemple, une éolienne de 200 mètres située à 2 kilomètres, et visible sur 5.7°, produit un champ de perception de 86° (43° de chaque coté), tandis que la même éolienne située à 10 kilomètres, et visible sur 1.1°, reste perceptible sur 17° de champ visuel. Une valeur minimale et maximale peuvent borner la plage de façon a éviter les extrêmes peu réalistes (par exemple 5° à 100°).
Cette notion de perception est bien différente de celle d’occupation utilisée habituellement. Le but étant de produire des cartographies plus réalistes pour la vision humaine.

Problème des champs d’occupation
Pour "coller" au plus près des méthodes des diagrammes (DRAL Centre, HdF, Ardennes) on peut être tenté de comptabiliser les champs d’occupation, qui sont strictement limités à l’espace angulaire qui existe entre l’éolienne la plus à gauche et l’éolienne la plus à droite de chaque groupe d’éoliennes. Outre le fait que le résultat n’est pas comparable à l’expérience visuelle in situ, la carte résultante d’une telle approche va très probablement faire apparaître de drôles d’arcs colorés, produits par les nombreux effets de seuil de cette méthode. Ces "sauts" brutaux de valeurs, qui sont à l’origine de ces artefacts, sont produits par la création ou la perte d’une respiration. En effet, la méthode fait passer la valeur de respiration de zéro à X degrés (valeur du seuil de groupement) ou inversement. Cet effet de bord n’existe pas avec la méthode perceptive, car la valeur de respiration évolue progressivement. Un autre conséquence de cette approche est qu’une éolienne isolée est considérée comme "invisible" ! Pour contourner ce problème on devra prendre en compte son rotor, ou une valeur minimum, pour lui donner une existence.

Étendue du contexte éolien
Chaque point de calcul doit tenir compte de la présence d’éoliennes dans une étendue de territoire analogue, par conséquent il est indispensable d’étendre la zone du contexte d’au moins une dizaine de kilomètres autour de la zone d’étude.

Limites de prise en compte des éoliennes
Pour un calcul réaliste, il est préférable d’exclure les éoliennes qui ne participent pas au phénomène d’encerclement de façon à ne pas polluer le calcul avec des éoliennes invisibles ou trop peu visibles. Le critère d’exclusion peut être la distance maximale ou mieux, la hauteur apparente minimale. Cette dernière caractéristique présente l’avantage d’être plus réaliste et de limiter les effets de seuil très perceptibles avec le critère distance. Le critère de sélection peut aussi être une combinaison des deux grandeurs physiques. Généralement, pour une étude "terrain nu" nous écartons les éoliennes dont la hauteur apparente est inférieure de 0.5 à 1° (éolienne de 200m entièrement visible à 23km - 11.5km). Ce filtrage est évidemment actualisé à chaque point calculé.

Mode opératoire
La première étape consiste à calculer la visibilité des éoliennes en hauteur métrique ou en hauteur apparente. Ce calcul préalable permet de disposer de la visibilité de chaque éolienne du contexte en tout point du territoire. Ensuite, l’outil comptabilise tous les champs de perception et, par conséquent, tous les espaces de respiration, en chaque point du territoire. Les champs de perception sont triés de façon a les agglomérer en champs de perception cumulatifs. Enfin une carte au format GeoTIF est produite selon la caractéristiques souhaitée.
Les caractéristiques disponibles, pour les champs de perception et les respirations, sont les suivants :

  1. Somme
  2. Maximum
  3. Comptage
  4. Pourcentage
  5. Nombre d’éoliennes
  6. Densité (Nb d’éoliennes/somme des perceptions)
  7. Racine de la somme des perceptions élevée au carré

Résultats
Les cartes communément produites sont la somme des champs de perception et la plus grande respiration. Ces deux cartes sont complémentaires, chacune apporte un éclairage particulier de la situation d’encerclement.

L’encerclement n’est pas simple a caractériser en une seule carte, en effet les respirations peuvent parfois être grandes et fragmentées. La valeur maximale ne suffira pas toujours a discriminer cette situation de zones plus densément encerclée. De la même façon, a somme de champs de perception équivalente, l’encerclement peut-être très différent, fonction de la répartition des champs de perception.

Évaluer l’effet produit par le projet
Pour évaluer l’effet produit par un projet en développement, il est intéressant de produire une carte du contexte seul, puis une carte du projet avec le contexte. La carte différentielle met en évidence les zones du territoire où le projet a un effet du point de vue de l’encerclement.

Synthèse entre perceptions et respirations
Pour tenter de hiérarchiser l’encerclement présent sur le territoire en tenant compte des perceptions et de respirations, il peut être intéressant de diviser la somme des perceptions par la plus grande respiration. On obtient ainsi une carte de synthèse des deux caractéristiques.

Grille de lecture
La grille de lecture doit bien tenir compte du fait qu’un champ de respiration est une amplitude visuelle dans laquelle aucune éolienne ne sera perceptible, à la différence des méthodes habituelles basées sur l’occupation des horizons. Par conséquent, des indicateurs de vigilance doivent être placés plus hauts, pour les perceptions et plus bas pour les respirations.

Par exemple, le seuil d’alerte IOH [7] pourrait passer de 120° à 200° (+80°). L’indice IER [8] pourrait passer de 160° 180° à 90° (-80°).

La saturation par encerclement
Le principe d’utiliser le champ de perception de chaque éolienne, donc une valeur variable directement liée à la prégnance, permet de moduler l’effet des éoliennes sur l’encerclement en tenant plus compte des éoliennes proches. De fait, ce principe introduit une dimension supplémentaire liée à la prégnance : la saturation. Cette notion fait écho au chapitre 4.5.4 du dernier guide des études d’impact [9] : "Lorsque la présence de l’éolien s’impose dans tous les champs de vision il y a saturation visuelle.". Cette notion est fondamentale et ne pourrait être décorrélée de l’encerclement. On peut donc désigner ces cartes par cartes de saturation par encerclement.

Conclusion
La méthode décrite ici présente l’avantage d’être simple a comprendre, et de pouvoir être informatisée pour produire des cartes progressives qui rendent compte d’une réalité perçue par un observateur en tout point du territoire (avec les limitations de la description du relief).
La prise en compte des obstacles boisés [10] complète utilement l’analyse par une description plus fine et réaliste du phénomène de l’encerclement. La prise en compte du bâti est plus délicate compte-tenu du pas de calcul trop large (25m). Il faudrait atteindre le pas métrique pour pouvoir en tenir compte.
Cette méthode ne suit pas le principe de la méthode habituelle [11] (elle suit partiellement celle présentée dans la Plan Paysage des Ardennes), mais produit une cartographie plus réaliste. Alors que le phénomène de "Saturation visuelle" a été introduit dans la loi fin 2022, il serait pertinent que les Services instructeurs reconnaissent cette approche.

Références
Cadrage des études d’impact des projets éoliens
Méthode d’analyse de la saturation visuelle liée à l’implantation de projets éoliens en région Hauts-de-France
Plan paysager éolien des Ardennes
Guide relatif à l’élaboration des études d’impacts des projets de parcs éoliens terrestres

Voir en ligne : https://www.hauts-de-france.develop...

Notes

[1Une cellule est un point de calcul. La carte finale est formée d’un ensemble de cellules disposées en matrice selon pas de calcul.

[2Le champ de perception est le champ visuel dans lequel une éolienne est perceptible

[3Une respiration est un champ visuel dans lequel aucune éolienne n’est perceptible.

[4Un espace occupé est un champ angulaire horizontale constitué d’au moins 2 éoliennes dont les écarts successifs de gisements sont inférieurs à un seuil donné, de façon à former un groupe d’éoliennes qui occupent l’horizon.

[5Un espace ouvert situé entre deux espaces occupés.

[7Indice d’Occupation des Horizons

[8Indice d’Espace de Respiration

[9Guide relatif à l’élaboration des études d’impact des projets de parcs éoliens terrestres

[10BD-TOPO de l’IGN (couche ZONE_DE_VEGETATION. La hauteur des végétaux doit être estimée)

[11DREAL Centre de 2007, revisitée par la DREAL Hauts-de-France